Parcours | Journey

Nathalie Millpa a vécu enfant à Albertville, Mexico puis Paris où elle est restée jusqu’à ses 29 ans et y a fait ses études : Licence de Matériaux (Faculté Paris VI), Cours de dessin d’Anatomie et modèle vivant (Paris VIIè), Ecole de Design (ESDI-Créapole).

Toutes ces années ont été ponctuées de voyages/travails à l’étranger : Japon, Burkina-Faso, Grèce, Etats-Unis, Indonésie, Honduras, Espagne… Découvrir d’autres (humains et non humains), côtoyer différences et similitudes, respirer plus amplement.

En 1997 elle s’installe à la campagne. Le temps d’explorer par elle-même des formes et matières du vivant, d’inscrire dans le corps les gestes leur correspondant, elle maintint une activité de graphisme et de peintre déco les premières années.

De gestes en cueillettes, en cuissons, en cailloux, en rapports de tons, en respiration, en rivière, en rencontres, en rapports d’échelles, en bois, en bronze, en Dessins, en dilution, en fil, en cailloux, en feu, en film, en forêts, en lectures, en laiton, en Lumes, en herbe, en écrits, en étain, en musique, en mémoire, en ciment, en circulation, en silence, en papier végétal, en prise, en Peinture, en perceuse, en pinceau, en ponceuse, en présent… Elle construit ses outils, petit à petit, les pieds en herbe, le geste en joie.

Deux formes de travail se confirment : Peintures et Lumes. Bien plus tard, 2020, les Dessins arrivent à leur tour.

Elle vit désormais dans les Monts du Beaujolais, dans un hameau au bord de la forêt, son atelier y est installé.

Visites d’atelier et show room sur rendez vous ici.

Journey and process.

Nathalie Millpa lived as a child in Albertville, Mexico City and then Paris where she stayed until she was 29 and studied there: License in Materials (Faculty of Paris VI), Drawing course in Anatomy and living model (Paris VIIè) , School of Design (ESDI-Créapole).

All these years have been punctuated by trips / work abroad: Japan, Burkina-Faso, Greece, United States, Indonesia, Honduras, Spain … Discovering others (humans and non-humans), rubbing shoulders with differences and similarities, breathing more fully.

In 1997 she moved to the countryside. The time to explore by herself forms and materials of living things, to inscribe in the body the gestures corresponding to them, she maintained an activity of graphic design and decorative painter during the first years.

From gestures in picking, in cooking, in pebbles, in tonal ratios, in breathing, in the river, in encounters, in scale ratios, in wood, in bronze, in Drawings, in dilution, in thread, in pebbles, in fire, in film, in forests, in readings, in brass, in Lumes, in grass, in writings, in tin, in music, in memory, in cement, in circulation, in silence, in vegetable paper, in grip, in Painting , drill, brush, sander, present … She builds her tools, little by little, grassy feet, gesture in joy.

Two forms of work are confirmed: Paintings and Lumes. Much later, 2020, the Drawings come their turn.

She now lives in the Beaujolais Mountains, in a hamlet at the edge of the forest, her workshop is located there.

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2021. Quelques questions, quelques pistes sur le travail de Nathalie Millpa

Ta démarche artistique s’exprime suivant trois formes très différentes : les peintures, les dessins, les lumes. S’agit-il de trois traductions formelles d’un même travail, au fond ?

J’ai toujours eu cette perception. Les trois pistes d’exploration de mon travail que vous citez se situent effectivement dans un espace commun, aussi bien au niveau de l’atelier que des recherches.

C’est probablement les matières et les process qui les génèrent qui me proposent des formes qui ont l’air si différentes.

Au fil du temps, je remarque qu’elles se font écho de façon de plus en plus perceptible.

Dans notre histoire de l’ « art » chacune de ces formes fait référence à des domaines très différents. Cela peut dérouter certains. Ces niches historiques sont d’ailleurs en train de se transformer, les lignes frontières se déplacent.

Les sensations, les réflexions, les confrontations, les repos et les discussions générées par ces différentes pistes créent un vaste espace qui me va bien.

Cet espace de recherche de formes à plusieurs pistes concomitantes, me propose de changer de regard, décaler la vision, rendre palpable le contexte, la part d’invisible, la délimitation d’une entité, ce qui pétri, impact. J’y ai acquis un intérêt particulier pour les lisières : espaces de vie émergentes propres aux limites. J’aime l’idée qu’une limite entre deux formes d’existence soit un espace, un endroit, en vers, des possibles autrement. J’imagine dans cet espace des formes de vie dues aux rencontres.

Quelles convergences souterraines observes-tu entre ces trois différentes pistes d’exploration ?

Le fait que je sois celle qui parcours ces trois pistes, induit forcément des convergences.

Dans ces recherches, le travail souterrain a la plus belle part, il est permanent, il se fait tout seul, il se nourrit à tous les endroits et de toutes les manières possibles et il est commun à ces différentes pistes.

Le fait que je sois celle qui parcours ces trois pistes, induit forcément des convergences.

Je vois le corps comme un creuset, un terrain de jeu pour travail souterrain, un espace sous la peau comme sous le sol, avec ses matières, ses habitants, ses connexions, ses réseaux…et puis l’invisible.

Dans une autre dimension, les éléments fondamentaux, il y en a peu, l’étude des assemblages cellulaires et systémiques génèrent des réflexions, des analogies infinies.

Je vois l’harmonie comme une alliée précieuse. Pour la débusquer, je suis allée chercher dans du visible disponible à des échelles de micromonde, mondes où le principe de vie a encore la plus grande place. Ce travail d’harmonie par la composition, les rapports de tons, la beauté… crée par les vibrations, une lecture perceptible, fluide, une convergence pour des liens puissants.

Se saisir de ce qui anime au fond pour déplier, déployer, être apte à l’écouter, à saisir, faire émerger, c’est une exploration passionnante

  • Je pense à deux courants qui circulent, se côtoient et forment un socle sur lequel je m ‘appuie.
    Par un besoin d’ancrage et pour une quête de sens, je vais observer, sentir, travailler avec d’autres formes d’existences. Apprentissage par des portraits, des fragments de paysage, des corps, des arbres, du bois, de la lumière sur les feuille, des terres, des herbes, des cailloux, de l’eau, du végétal, des sols, l’arrêt sur image du mouvement dans une rivière, les reflets, le vent ou la lumière qui rencontre… Ces autres, j’en devine des traces en moi, mon travail me permet de les réinscrire, d’aider le corps à retrouver leur évidence, leur légitimité, puis de les faire et me les rendre familières.
  • Et je pratique l’errance comme un flou en marche, cela laisse de la place, les surgissements en raffolent, les formes ont de la place et apparaissent, multiples. Les suffisamment persistantes poussent hors sol.

Les traductions formelles pour rendre visibles et lisibles ces formes du vivant émergentes sont infinies.
Celles qui jouent avec moi au mieux m’attrapent, prennent leur place et j’en prends soin.

Le soin - l’amour ? - porté au matériau, à la texture, transparaît dans tes œuvres. Pourquoi ces attentions ?

Je vois plusieurs « raisons », en tout cas celles que j’ai pu identifier

  • Le matériau comme une présence de l’autre :Une autre entité palpable, pour incarner ancrer, pour une confrontation directe, pour un autre langage
  • Elle provoque des états.
  • Elle permet d’en saisir des visions.
    Les visions rassemblent, elles peuvent faire cohabiter dans un même espace des formes issues de mondes qui ne se côtoient pas dans les mêmes dimensions, possiblement dans les mêmes lieux.
  • C’est également une Source d’apprentissage.
  • Discussion silencieuse journalière avec les matières formes disposées dans l’atelier.
  • La possibilité de jouer avec ses capacités.
  • La main en mouvement, caresse.
  • Les détails pour aller plus loin, abstraction impossible ramène au visible avec de la puissance du lointain l’oeil capte, s’accroche besoin de reconnaitre et ou de compléter, refaire l’histoire évoquée, le temps et l’espace s’allongent. La matière passant de substance à communication temporelle

La matière comme continuum de visible et d’invisible.

Faire du matériaux qui nous délimite une entité à un moment donné.

La Surface visible comme une toile qui contient, surface d’échanges pour apparitions qui percent (Strates, empreintes, fissures, transparences) les rend lisible, capte la profondeur. Elle a attrapé, traces du contexte.

Support de continuité qui fait converger pour exister

Les Reflets, surface d’échange pour un instant, fluctuation, support en deux dimensions qui accueille tout au même endroit. Les échelles différentes peuvent mettre en avant des correspondances formelles

Toute une partie de mon travail se fait en 2 dimensions. Peinture, dessin et lumes, ils restent en 2d, travail d’une épaisseur de 2d (Les feuilles sont travaillées à plat avant de devenir volume, les bois par les surfaces, les dessins par des pinceaux quasi 2D avec lesquels je joue, la peinture ne joue pas avec la perspective mais avec des transparences et des profondeurs)

Une sorte d’abstraction palpable, provoquant chez nous le besoin de compléter en élaborant une troisième dimension créant un espace commun.

Entre l’instantanéité de tes dessins en un seul geste du pinceau, le long peau-finage de tes peintures, qui laisse aussi la place aux repentirs, les stries du bois qui en racontent l’histoire, ton travail n’a-t-il pas à voir avec une exploration du temps ?

J’ai plus l’impression d’en prendre conscience et de composer avec lui.

  • Dans le corps, différentes temporalités cohabitent et jouent ensemble, on peut se saisir de celles qu’on identifie, laisser surgir les autres, en travailler certaines…
  • L’ hérédité, continuité, support, base, permanence…
  • Le quotidien, le rythme de faire tous les jours, la répétition, l’habitude comme temporalité, pour inscrire
  • l’instantané, la surprise

S’imprégner des temporalités lisibles chez d’autres le temps d’existence : de la fugacité d’une vie d’herbe aux arbres centenaires, de l’humus aux sédiments… les marques du temps inscrites dans les matières : résidus d’une pousse, l’érosion d’une pierre…

Dans les process de réalisation, il est un outil aux multiples possibilités.

Cueillette de végétaux à la saison appropriée, puis leur temps spécifiques de cuisson, la caillose ou le bois ou la fleur qui sèchent,

Des pigments qui se déposent au fil des jours dans la préparation de tempera

Un geste pinceau qui peut évoquer, représenter une terre existant depuis la nuit des temps

Coïncidence d’un état et d’une matière

Rester immobile, au même endroit encore et encore, un certain temps pour que les portes s’ouvrent, pour voir…

Garder l’acuité de se saisir des surgissements sur la table de la permanence

Tu dis : la technique prime. Peux-tu expliquer cela ? Et en quoi le geste est-il l’action fondatrice dans ta quête de maîtrise formelle ?

La maitrise de la technique ne prime que si elle me procure une facilité, une amplitude, un déploiement.

La contrainte par son appropriation me fair aller dans des endroits inconnus.

L’appropriation des outils dans les process par le geste, pour un oubli, une aisance, une danse qui va chercher ailleurs… permet de passer de la contrainte à une proposition.

Dans les possibilités du process élaboré, avec les caractéristiques du matériau et par le déploiement du geste.

J’élabore des process pour une exploration infinie. La création de ces process spécifiques, longuement mis au point, très précis d’un côté et laissant une grande part de surprise de l’autre, procure cette sensation de pouvoir éternellement refaire et toujours différent, nager entre le rituel et la surprise, cadeau…

Pour revenir sur le geste

J’ai pris le temps d’inscrire dans mon corps un certain nombre de gestes par la répétition, qu’ils deviennent habituels, fluides. Des gestes correspondant à des éléments choisis du monde, provenant de trois sources principales, le végétal, l’humain et le minéral (visages, cailloux, graminées, feuilles d’arbres, corps, eau, sol…..). pour les ancrer et me construire un alphabet d’éléments pour composer.

Par le geste débusquer des formes, des territoires.

Les gestes, restituent des images internes inconnues ; ils leur donnent forme. Le mouvement part de l’intérieur, il y a une intention une présence et une surprise.
Avec le temps le corps se pose, la présence s’intensifie, le geste surgit de mieux en mieux, il se dégage de certaines préoccupations inutiles, de moins en moins encombré, de moins en moins de bruit plus de précision de légèreté, apparitions de motifs plus lointains, de surprises lisibles.

Le bras déplie : levier d’une expérience intérieure

Entre surgissement et permanence, le geste parcourt cette tension de chaque instant.

Forme pleine ou vide, le mouvement comble l’écart.

Le geste lie, comme une matière temps, il trouve ses chemins, crée ses formes.

A quelles sources irrigues-tu ton cheminement artistique ?

A Paris, j’habitais entre la faculté de science et le jardin des plantes que je traversais pour aller dans une bibliothèque immense que je fréquentais assidument. J’y choisissais au hasard les livres qui m’attrapaient.

Je suis encore entre technique, jardin, et bibliothèque : j’habite le campagne et ses richesses, pas loin de villes foisonnantes, à l’affut des derniers outils grâce à internet et j’ai une bibliothèque personnelle composée de ce que je glane régulièrement dans les librairies où j’ai pris mes habitudes il y a longtemps.

J’ai une curiosité joyeuse à me nourrir à différents horizons et un émerveillement des « petites » choses : du caillou aux graminées, de l’anthropo-socio à l’histoire de l’art, de la forêt à la lumière, du jardin à la poésie, de P.Valéry à H.Michaux à I.Mandelstam…, du microscope à la déco, de W.Benjamin à B.Latour, à F.Deligny…, de la rivière au reflet, des saisons au climat, de F.Bacon à Rembrandt…, des films à la photo, du design à l’archi, des corps au visage, de la matière au temps… l’espace du quotidien infiniment. Mes journées commencent par la lecture d’essais, le temps que la lumière arrive, puis monter dans l’atelier pour découvrir les surprises ménagées la veille et …

Le monde végétal tient une grande place dans ma vie, le monde minéral d’une manière plus silencieuse.
Ce monde du vivant si différent et disponible me met en joie et en discussion, vivre au milieu, le regarder, travailler avec, nourri grandement cet espace de l’entre deux.

Trouver les formes les plus abouties à chaque instant, comme si la recherche du plus juste avec ce qui nous est possible donnait de l’espace aux limites

Au fond du fond, que cherches-tu ? Quelle est ta quête ?

Rendre familier le multiple, l’étrange.

L’autre est déjà en nous, végétal, minéral, animal, redécouvrons le, vivons le, déployons le.

En faisant vivre les diverses parts du vivant qui sont en nous, qu’elles prennent leur place en conscience.

Que d’autres formes de compréhension, de cohabitations en émerge.

Par mon travail explorer ces formes émergentes et les rendre lisibles.

Les proposer dans des espaces du quotidien : par l’habitude, la douceur, les correspondances, de plus en plus, de mieux en mieux pour grandir.

Pour répondre à cette urgence de tisser entre nous tous, humains et non humains, en commençant par dedans, capter, repenser les liens qui nous unissent, en créer d’autres, trouver de nouveaux agencements, activer les circulations possibles, respirer plus vaste…

S’émouvoir et se mouvoir…

Les lisières espaces de demain.

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